Grimpe et grossesse : un peu, beaucoup, à la folie, pas du tout ?

Sep 24, 2020 | Divers

Devenir parents… la question nous trottait dans la tête depuis un moment, mais avec nos vies de grimpeurs nomades, difficile de se décider à franchir le pas ! La période de grossesse notamment m’inquiétait un peu, avec cette idée un peu rebutante de passer 9 mois à « attendre » sans plus trop pouvoir grimper…ni même peut-être travailler ! J’avais envie de me rassurer en lisant des récits de grimpeuses ou des études sur les sportives enceintes, mais force était de constater qu’il n’y avait vraiment pas grand-chose d’écrit sur le sujet ! En tout cas dans les livres plus « classiques » autour de la grossesse, l’escalade figurait systématiquement dans la liste des « activités à proscrire », mais à mon sens pas pour les bonnes raisons. “Activité à risque”, “Risque de chutes et de chocs”… oui et non. Tout dépend du grimpeur, de l’assureur, du lieu de pratique, du type de pratique… Convaincue au final que le plus important pour moi pendant ma grossesse serait de me sentir bien à la fois moralement et physiquement, et que pour ça j’allais avoir besoin de continuer à grimper, j’ai eu envie de voir et d’expérimenter par moi-même le champ des possibilités de la grimpe en étant enceinte… dont voici la petite histoire…

Un discours médical finalement plutôt rassurant

Dès le départ, mon médecin généraliste, médecin du sport, a posé un cadre qui me rassurait beaucoup, en tout cas beaucoup plus que mes lectures ! : «  Tu es sportive, tu connais donc plutôt bien ton corps. Ecoute-le. Il te dira si tu en fais trop. L’escalade ? Oui sans souci. Tu commenceras à faire attention quand ton ventre sera bien sorti, aux alentours du 6ème mois. Tu veilleras alors à le protéger contre les coups et les chocs, et donc tu adapteras ta pratique. Mais d’ici là, profite ! Un embryon viable qui veut s’accrocher s’accroche, donc pas d’inquiétude à avoir pour les mois qui arrivent, tu peux grimper et travailler comme tu en as l’habitude ». Ouf ! Je suis ressortie de cette consultation vraiment soulagée ! Par la suite, j’ai été suivie mensuellement dans un cabinet de gynéco qui avait pour habitude faire un contrôle échographique à quasi chaque visite, et qui avait aussi un regard plutôt positif sur le sport  en étant enceinte. Comme c’était mon métier, j’ai eu la sensation que le discours était vraiment adapté par rapport à quelqu’un qui pratique uniquement en loisirs, et pour qui le “besoin de pratiquer” est considéré comme moindre (alors que pour certaines personnes c’est peut-être vital!)…  En tout cas ce suivi me permettait d’être bien rassurée sur le fait que ni mon activité professionnelle ni ma pratique personnelle ne mettait en danger ma grossesse, et m’a permis de continuer  à grimper sereinement, tout en restant bien à l’écoute !

Grimpe quasi normale pendant les premiers mois de grossesse

Les premiers mois, j’ai donc continué à grimper en bloc, en voie, en grande voie, à donner mes cours d’escalade… tout allait plutôt bien. Les nausées de début de grossesse n’étaient pas trop fortes et je m’adaptais en mangeant de petites quantités tout au long de la journée… Je ressentais juste le besoin de dormir davantage d’heures la nuit pour ne pas me sentir fatiguée. A 4 mois de grossesse, malgré mes 6 kg de plus (hé oui ça va vite !) j’avais encore toute la motivation et le plaisir d’aller voir des voies proches de mon niveau max. Je ne me sentais pas affaiblie, au contraire j’avais les supers hormones qui me gardaient bien en forme !  La grimpe en tête ne m’inquiétait pas, mais par contre je faisais vraiment attention à qui m’assurait pour être correctement dynamisée en cas de vol. Et puis en salle je continuais à faire du bloc, mais dès le 2ème mois je m’étais rendue compte que les jetés me faisaient mal aux abdos. Je ne faisais donc plus de blocs qui présentaient des passages en jetés. Et j’adaptais mes séances en fonction de mon ressenti, en veillant notamment particulièrement à mes doigts car la grossesse s’accompagne d’un vrai bouleversement hormonal qui joue notamment sur les muscles et les ligaments en les relâchant… Cela combiné à la prise de poids progressive, attention aux blessures qui peuvent vite arriver !

Grimpe à Majorque à 3 mois de grossesse…mis à part le fait que je ne peux plus fêter mes croix avec une bonne bière en fin de journée, tout va bien !

La découverte de la grimpe en duo…

A 5 mois de grossesse, je commençais à déjà bien sentir bébé bouger dans mon ventre… Désormais quand je grimpais je ne pouvais plus faire « comme si de rien n’était », nous étions maintenant deux au bout de la corde, et on commençait même à se parler en grimpant 😊 J’avais choisi une sage-femme spécialisée en haptonomie pour nos cours de préparation à la naissance et je trouvais cette approche d’entrer en communication régulièrement avec bébé très intéressante, notamment dans mes séances de grimpe. Selon comment bébé était positionné certaines montées de pied commençaient à être un peu plus compliquées, mais je grimpais encore assez fort sur des profils de voie qui me plaisaient, notamment en léger dévers pour que la réception des vols soit plus douce, en ayant pris l’habitude d’attraper mon baudrier à 2 mains pour ne pas qu’il me tire sur le ventre au moment où la corde se tend. De cette manière je n’ai jamais ressenti de gêne ni de douleur en prenant un vol ! C’était souvent Nico qui m’assurait, et je dois avouer que je lui suis très reconnaissante pour la confiance qu’il m’accordait. Il ne m’a jamais freinée dans mes choix de voies ou de grimpe en tête, au contraire il m’a soutenue tout au long de ma grossesse pour que je puisse continuer à me faire plaisir tout en portant ce petit être que nous avions conçu ensemble… et que nous avions d’ores et déjà intégré à notre cordée 😉 !

 

Ici en week-end à Saint Antonin Noble Val pour fêter mon 5ème mois de grossesse avec notamment une belle croix dans un 7b flash.

Quelques adaptations pour le 6ème mois de grossesse

Le 6ème mois de grossesse a été, comme prédit par mon médecin, un mois d’adaptation. Mon ventre devenait de plus en plus gros, et après une séance un peu intense de bloc où j’ai beaucoup grimpé et un peu trop sauté sur le tapis, j’ai le ventre qui est soudainement devenu très dur. J’ai eu mal pendant une dizaine de jours, celui-ci ne voulait plus se détendre et me donnait vraiment la sensation de vouloir s’ouvrir en deux … C’était un vrai signal d’alerte que m’envoyait mon corps. Il avait tout simplement besoin de répit, de repos et de temps pour s’adapter et laisser de la place à ce bébé qui grandissait…. les abdos, notamment les grands droits, avaient besoin de s’écarter petit à petit. Le poids du bébé sur le périnée me provoquait de temps à autre des douleurs, malgré l’utilisation d’une ceinture de maintien pour alléger et soutenir mon ventre lors de mes journées de cours ou pendant les marches d’approche.  A partir de ce moment-là, j’ai donc décidé de mettre un petit coup de frein sur ma grimpe. J’ai d’abord arrêté de faire du bloc, devenu trop traumatisant à cette étape de la grossesse, tant pour les doigts, les abdos que le périnée qui commençait à souffrir des sauts sur le tapis. En falaise, je commençais aussi à moins bien sentir la grimpe en tête, je passais donc en moulinette, le plus important pour moi étant de pouvoir continuer à grimper, mais sans stress! Vers la fin du 6ème mois il était grand temps de changer de baudrier : le ventre s’arrondissant, celui que j’utilisais avait tendance à « tomber » et passer sous mon ventre, en devenant ainsi trop lâche… J’ai donc cherché un baudrier intégral adapté à la morpholgie d’une femme enceinte, à la fois léger et confortable….ce qui n’a pas été chose facile !

6 mois de grossesse, dernière séance avec le baudrier ventral.

Quel baudrier pour grimper enceinte?

Après avoir essayé le baudrier de travail Petzl Newton Easyfit qu’on m’avait prêté, je me suis rendue compte que c’était trop lourd avec un point de pression désagréable dans le haut du dos à l’endroit du gros anneau antichute prévu pour les travaux en hauteur (mais qui ne me servait à rien dans mon cas)…et en plus ça me cisaillait tellement derrière les cuisses quand je me mettais en position pour redescendre! J’ai alors cherché un type de ouistiti pour adultes avec des pads de renfort sur les épaules et surtout sur l’arrière des cuisses…. Mais je n’ai pas trouvé grand-chose ! Il existe bien un baudrier « Mad Rock Climbing Mountain Mama Harness » mais à 150 dollars ça fait un peu cher pour un baudrier qu’on ne va utiliser que 3 mois ! Et les critiques n’étaient pas vraiment persuasives, le cisaillement derrière les cuisses restant apparemment un problème commun à tous les harnais intégral. Petzl a également un baudrier intégral plus simple, le 8003, mais qui ne possède pas de réglage au niveau du croisement dans le dos et qui reste relativement cher (80 euros environ). Je me suis donc rabattue sur un baudrier intégral tout simple (sans renforts) et vraiment pas cher (30 euros), de la marque allemande « Alpidex », qui a parfaitement fait le job ! Bon par contre, encordé à ce type de baudrier il n’était vraiment plus possible de grimper en tête, un harnais intégral n’étant pas homologué pour ça (et pas du tout prévu à cet effet, car le poids du corps dans cette position de maintien ne permettrait tout simplement pas de se réceptionner correctement d’un vol en tête, le baudrier intégral ayant tendance à mettre le grimpeur droit au lieu de la position assise classique. J’étais déjà plus ou moins passée sur une escalade tranquille en moulinette, et avec mon baudrier intégral j’appréciais en plus de ne plus rien avoir qui me serre le ventre !

Différents baudriers à l’étude…les marques ont rigolé quand je les ai appelées pour savoir ce qu’elles me recommandaient comme baudrier pour femme enceinte : « euh on n’a pas trop l’habitude de ce genre de question 😉 ». Je choisis finalement celui de droite, de la marque Alpidex.

 

Peut-on encore faire de la grande voie en étant enceinte?

A 6 mois et demi de grossesse, je pars dans les Calanques où j’organise un stage grande voie de 3 jours, accompagnée par 2 autres moniteurs d’escalade. Le groupe est super, la météo parfaite, on se régale ! Pourtant entre les 4 heures de route, les grandes marches d’approche et les longues journées dans le baudrier, je ne savais pas trop ce que ça allait donner… Je restais donc attentive à mon niveau d’énergie, et très à l’écoute des signaux que pouvaient m’envoyer mon ventre : un ventre qui se durcit et un ventre qui a besoin de repos.  Mais aucun souci pendant ces 3 belles journées remplies d’aventure, je faisais les marches d’approche avec des bâtons, j’allégeais mon sac au maximum et je portais ma ceinture de maintien pour éviter de surcharger le périnée. Pour le confort au relais j’avais trouvée une petite astuce de baudrier : je portais un baudrier très confort Petzl Calidris par-dessous mon baudrier intégral afin que les gros pads du Calidris me protègent du cisaillement derrière les cuisses. J’étais au top ! Assez étonnée d’ailleurs de pouvoir en faire encore autant à ce stade de ma grossesse, et à la fois tellement heureuse de ces trois jours à marcher, grimper, et contempler la beauté des paysages qui nous entouraient accompagnée d’une super équipe !

A l’aise dans les rappels avec mon nouveau baudrier intégral ! Top groupe pour un top stage!!!!

Se fait-on encore vraiment plaisir à grimper avec un gros ventre?

A partir du 7ème mois de grossesse mon ventre ne faisait que grossir et grossir de plus en plus vite… Mais en moulinette, dans des profils adaptés, je me faisais encore super plaisir ! Dans du 6c/7a j’enchaînais avec mon gros bidou des voies de 30m en optimisant tous mes mouvements, en adaptant mon escalade à un rythme doux et lent, et en jouant avec les placements.  Cette manière de grimper avec mes 12 kgs de plus m’amusait : grimper sans s’arrêter, mais sans jamais forcer et en me concentrant sur les sensations 😉.

Dans les Gorges des Gouleyrous à Tautavel vers la fin de mon 7ème mois de grossesse.

Et puis finalement mi-mars, alors que j’entrais dans mon 8ème mois de grossesse, le premier confinement pour le covid était ordonné. Mon histoire de grimpeuse enceinte s’est donc arrêtée un peu avant la fin, pour poursuivre sur 1 mois et demi de marche à pied quotidienne.  Et de là, avec 15 jours d’avance, est arrivé un joli petit gars de 4,130 kg fin avril ! Notre mini grimpeur est né par voie basse à l’issue d’un accouchement que j’ai voulu vivre le plus naturellement possible… dans l’idée aussi de pouvoir mieux reprendre après, mais ça ce sera pour une autre histoire!

Mi-avril à la fin du 8ème mois de grossesse… bon là honnêtement je ne sais pas si j’aurais continué à grimper avec un ventre si gros !

Le mot de la fin…

Pour finir, voici quelques conseils que je souhaiterais donner aux grimpeuses enceintes (ou en passe de le devenir ;-):

– tout d’abord félicitations ! La vie à 2 c’est déjà super chouette, mais la vie à 3 prend une toute autre dimension!

– chaque personne est différente et je pense que chaque grossesse l’est aussi. Mon expérience n’est donc absolument pas transposable comme telle, sachant aussi que je partais d’un niveau de grimpe et d’un rythme d’entraînement propre à moi-même. Cependant si vous avez l’habitude de beaucoup grimper, que vous ressentez l’envie de continuer pendant votre grossesse et que vous avez le feu vert des médecins (ce qui sera surement le cas dans une grossesse dite « normale » en prenant bien le temps d’en discuter), allez-y ça fait tellement de bien à la tête et au corps !

– bien choisir l’équipe médicale qui vous suit tout au long de la grossesse est primordial pour se sentir bien et sereine, et encore plus quand on a le souhait de vivre une « grossesse  sportive ».

– votre ennemi principal pendant la grossesse : le stress ! Ne vous mettez jamais dans des situations stressantes, et adaptez le niveau et le type d’escalade pour ressentir d’abord et avant tout du plaisir en grimpant !

– écoutez-vous, vous seules au fond de vous-même savez ce qui est bon ou mauvais pour vous…

– et profitez ! Je n’aurais jamais pensé pouvoir dire ça, mais je le dis quand même : ces 9 mois sont tellement particuliers et le corps humain tellement incroyable, que l’expérience d’une grossesse est quand même quelque chose de totalement dingue, et encore plus quand on arrive à la combiner avec sa passion sportive !!!!

 

La suite dans une seconde partie : grimpe et grossesse, la reprise après accouchement 😉

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